Depuis 2008, la rupture conventionnelle permet aux salariés et employeurs de mettre fin à un CDI d’un commun accord, tout en ouvrant droit aux allocations chômage. Face à son succès grandissant et son coût pour les finances publiques, le gouvernement envisage désormais une réforme en profondeur. Quels changements se profilent et quels impacts auront-ils sur les salariés et les entreprises ?
La rupture conventionnelle, créée en 2008, est aujourd’hui au cœur des débats sur la réforme de l’assurance chômage
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Contexte : Un Dispositif Victime de Son Succès ?
Créée par la loi de « modernisation du marché du travail » en 2008 à l’initiative du Medef, la rupture conventionnelle visait à offrir une solution de sortie amiable du CDI. Quinze ans plus tard, le dispositif est devenu incontournable dans le paysage de l’emploi français, mais son coût pour l’assurance chômage suscite des interrogations.
Selon le rapport récent de l’Unédic, 515 000 ruptures conventionnelles individuelles ont été signées en 2024, soit une hausse de 17% en cinq ans. Plus significatif encore, les dépenses d’allocations liées à ces ruptures atteignent désormais 9,4 milliards d’euros, représentant 26% des dépenses totales d’allocation chômage.
Le ministre du Travail, Jean-Pierre Farandou, a récemment dénoncé ceux qui considèrent la rupture conventionnelle comme « un droit de tirage du chômage », signalant clairement l’intention du gouvernement de réformer ce dispositif.
Le Système Actuel : Comment Fonctionne la Rupture Conventionnelle
La rupture conventionnelle permet au salarié et à l’employeur de rompre un CDI à l’amiable, sans les contraintes d’un licenciement ou d’une démission. Le salarié perçoit une indemnité spécifique (au minimum égale à l’indemnité légale de licenciement) et peut ensuite bénéficier des allocations chômage.
Actuellement, après une rupture conventionnelle, le salarié peut se voir appliquer un « différé d’indemnisation » avant de toucher ses allocations chômage. Ce différé, plafonné à 150 jours (5 mois), s’applique uniquement aux indemnités supra-légales (supérieures au minimum légal).
« La rupture conventionnelle n’a pas été créée pour soi-disant faire plaisir aux uns et aux autres, mais répondait à un besoin et par principe, juridiquement, c’est un commun accord. »
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Les Pistes de Réforme Proposées par l’Unédic
Le rapport de l’Unédic chiffre plusieurs pistes pour limiter ce que le gouvernement qualifie de « phénomènes d’optimisation ». Trois options principales se dégagent :
Allongement du différé d’indemnisation
Passage du plafond actuel de 150 jours à 180 jours (6 mois) avant de pouvoir toucher les allocations chômage. Cette mesure générerait une économie estimée à 25 millions d’euros la deuxième année.
Pour aller plus loin, la suppression complète du plafond permettrait une économie de 200 millions d’euros.
Inclusion des indemnités légales
Actuellement, seules les indemnités supra-légales sont prises en compte dans le calcul du différé. L’inclusion des indemnités légales dans ce calcul, combinée à un plafond de 180 jours, permettrait une économie de 440 millions d’euros par an.
Création d’un régime spécifique
Mise en place d’un régime d’indemnisation dédié aux bénéficiaires d’une rupture conventionnelle, distinct du régime général et avec ses propres conditions, à l’image de celui des intermittents du spectacle.
Impact de la Réforme : Qui Sera Concerné ?
Profil des Bénéficiaires Actuels
Les personnes ayant recours à la rupture conventionnelle présentent un profil spécifique :
- Majoritairement âgées de 25 à 44 ans
- Plus souvent diplômées de l’enseignement supérieur
- 75% s’inscrivent à France Travail et perçoivent des allocations
Une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP) révèle que l’introduction de la rupture conventionnelle a conduit à une diminution de 19% des démissions entre les périodes 2003-2006 et 2012-2014, suggérant une transformation des démissions en ruptures conventionnelles.
Conséquences Potentielles pour les Salariés
Avantages du système actuel
- Sortie amiable du CDI sans conflit
- Indemnité négociée avec l’employeur
- Accès aux allocations chômage
- Possibilité de reconversion professionnelle
Risques liés à la réforme
- Délai plus long avant indemnisation
- Baisse potentielle des montants d’allocation
- Conditions d’accès plus restrictives
- Retour possible aux licenciements transactionnels
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Positions des Différents Acteurs
| Acteur | Position | Arguments principaux |
| Gouvernement | Favorable à la réforme | Coût élevé pour l’assurance chômage, « abus » du système, nécessité d’économies budgétaires |
| CFDT | Réservée | Les ruptures conventionnelles ne sont pas un « sujet majeur », contrairement aux contrats courts |
| CGT | Opposée | Mesures de « rabotage » inacceptables, risque de précarisation des salariés |
| Medef | Nuancée | Défend le principe mais reconnaît des dysfonctionnements, notamment chez les 25-35 ans |
| Experts | Critique | Le discours sur les « abus » vise à légitimer une réduction des droits |
« Ce discours des ‘abus’ cherche juste à légitimer une réduction de droits. Les ruptures conventionnelles doivent être homologuées par les services du ministère du Travail et très peu ne le sont pas. »
Calendrier et Prochaines Étapes
Après la chute du gouvernement Bayrou, le Premier ministre Sébastien Lecornu semble avoir abandonné l’idée d’une réforme globale de l’assurance chômage pour se concentrer spécifiquement sur les ruptures conventionnelles, jugées potentiellement abusives.
Point d’attention : La hausse des cotisations patronales sur les indemnités versées en cas de ruptures conventionnelles (de 30% à 40%) a déjà été adoptée en première lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), visant à rendre le dispositif moins avantageux pour les employeurs.
Conseils Pratiques Face à la Réforme
Pour les Salariés
- Anticipez vos démarches si vous envisagez une rupture conventionnelle
- Négociez une indemnité optimale pour compenser un éventuel délai d’indemnisation plus long
- Préparez votre projet professionnel en amont pour limiter la période sans revenus
- Renseignez-vous sur les alternatives comme la démission légitime dans certains cas
Pour les Employeurs
- Intégrez les nouvelles charges dans vos calculs de coûts de séparation
- Anticipez les négociations qui pourraient devenir plus complexes
- Explorez d’autres dispositifs comme les ruptures négociées ou les transactions
- Formez vos équipes RH aux évolutions réglementaires à venir
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Conclusion : Une Réforme Inévitable mais Contestée
La réforme des ruptures conventionnelles semble désormais inévitable, portée par la volonté gouvernementale de réduire les dépenses d’assurance chômage. Les pistes évoquées par l’Unédic, qu’il s’agisse de l’allongement du différé d’indemnisation ou de l’inclusion des indemnités légales dans son calcul, visent toutes à réduire l’attractivité du dispositif.
Cependant, cette réforme suscite de vives inquiétudes. Les syndicats craignent une remise en cause d’un outil de départ négocié qui a fait ses preuves depuis 15 ans. Les experts pointent le risque d’un retour aux pratiques pré-2008, avec davantage de contentieux ou de licenciements déguisés.
Dans ce contexte incertain, salariés comme employeurs ont tout intérêt à se tenir informés des évolutions à venir et à anticiper leurs démarches. La rupture conventionnelle, si elle reste un outil précieux de flexibilité sur le marché du travail, pourrait bientôt voir ses conditions d’accès et ses avantages significativement modifiés.
Questions Fréquentes sur la Réforme
Quand la réforme des ruptures conventionnelles entrera-t-elle en vigueur ?
Aucune date précise n’a encore été fixée. Les discussions entre partenaires sociaux sont en cours, avec une date butoir fixée au 15 novembre 2025. La mise en œuvre pourrait intervenir courant 2026, potentiellement dans le cadre de la loi de finances.
Les ruptures conventionnelles déjà signées seront-elles affectées ?
En principe, les réformes de ce type ne sont pas rétroactives. Les ruptures conventionnelles déjà homologuées avant l’entrée en vigueur de la réforme devraient donc rester soumises aux règles actuelles. Toutefois, il convient de rester attentif aux dispositions transitoires qui pourraient être prévues.
Existe-t-il des alternatives à la rupture conventionnelle ?
Plusieurs alternatives existent selon votre situation :
- La démission légitime, qui ouvre droit au chômage dans certains cas précis (suivi de conjoint, projet de reconversion professionnelle validé…)
- Le licenciement négocié, suivi d’une transaction
- La rupture anticipée d’un CDD d’un commun accord
- Le départ à la retraite pour les salariés en fin de carrière
