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Face aux risques d’effondrement liés à la concurrence et l’érosion des marges
Introduction
Le portage salarial s’est imposé en France comme une forme d’emploi hybride permettant de concilier l’autonomie du travail indépendant avec la sécurité du salariat. Né dans les années 1980 et progressivement encadré par la loi, ce dispositif a connu un développement significatif, particulièrement depuis son encadrement juridique par l’ordonnance de 2015 et la signature de la convention collective en 2017.
Cependant, malgré une croissance continue du nombre de consultants et du volume d’affaires, le secteur fait face aujourd’hui à des défis majeurs qui menacent sa pérennité. La concurrence exacerbée entre les entreprises de portage salarial (EPS) a conduit à une érosion progressive des marges, fragilisant l’équilibre économique de nombreux acteurs. La récente liquidation judiciaire de Ventoris, acteur historique du secteur, a mis en lumière ces vulnérabilités structurelles.
Cette analyse vise à examiner en profondeur les dynamiques concurrentielles du secteur du portage salarial en France, à évaluer les risques d’un effondrement systémique et à explorer les scénarios d’évolution possibles. Elle s’appuie sur des données récentes, des témoignages d’acteurs du secteur et une analyse des tendances du marché du travail qui influencent directement l’avenir du portage salarial.
I. État des lieux du secteur du portage salarial en France
A. Cadre juridique et fonctionnement
Le portage salarial est défini par l’article L. 1254-1 du Code du travail comme « l’ensemble organisé constitué par la relation entre une entreprise de portage salarial et une entreprise cliente, et, d’autre part, le contrat de travail conclu entre l’entreprise de portage salarial et le salarié porté. »
Ce dispositif repose sur une relation tripartite :
- Le salarié porté, qui recherche ses missions et négocie leurs conditions d’exécution
- L’entreprise de portage salarial, qui salarie le consultant et gère les aspects administratifs
- L’entreprise cliente, qui bénéficie de la prestation du consultant
Le cadre juridique impose plusieurs conditions :
- Le salarié porté doit justifier d’une expertise, d’une qualification et d’une autonomie suffisantes
- L’entreprise cliente ne peut recourir au portage que pour des tâches occasionnelles ou nécessitant une expertise spécifique
- La durée de la prestation ne peut excéder 36 mois
- Certains secteurs, comme les services à la personne, sont exclus du dispositif
La convention collective des salariés en portage salarial, signée en 2017, a complété ce cadre en précisant notamment les conditions de rémunération et les garanties sociales des salariés portés.
B. Taille et structure du marché
Le secteur du portage salarial a connu une croissance significative ces dernières années :
- Le nombre d’entreprises de portage est passé de 225 en 2015 à près de 500 en 2023, soit une augmentation de plus de 120% en huit ans
- En 2025, environ 600 000 professionnels français ont recours au portage salarial
- Le chiffre d’affaires du secteur est estimé à 2,4 milliards d’euros en 2024
- Le secteur connaît une croissance annuelle moyenne de 15% de son chiffre d’affaires
La structure du marché est caractérisée par :
- Une forte concentration autour de quelques leaders (Freeland Group, Freelance.com)
- Une multitude de petites et moyennes entreprises de portage
- Une segmentation croissante entre acteurs généralistes et spécialisés
- Une digitalisation progressive des services proposés
C. Modèle économique des sociétés de portage
Le modèle économique traditionnel des sociétés de portage repose sur le prélèvement d’un pourcentage du chiffre d’affaires généré par les consultants, généralement appelé « frais de gestion ». Ces frais, qui constituaient historiquement entre 8 et 12% du chiffre d’affaires, rémunèrent plusieurs services :
- La gestion administrative et comptable
- La facturation des clients
- Le versement des salaires et des charges sociales
- L’accompagnement des consultants dans le développement de leur activité
- La couverture des risques liés à l’activité (impayés, litiges, etc.)
Ce modèle économique est aujourd’hui sous pression, avec une tendance à la baisse des frais de gestion et une augmentation des services attendus par les consultants.
II. Analyse de la concurrence et érosion des marges
A. Intensification de la concurrence
La multiplication des acteurs sur le marché du portage salarial a conduit à une intensification de la concurrence, qui se manifeste par :
-
Une guerre des prix
- Baisse généralisée des frais de gestion
- Développement d’offres à frais fixes ou plafonnés
- Mise en place de grilles tarifaires dégressives en fonction du chiffre d’affaires
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Une course à la différenciation
- Développement de services complémentaires (formation, coaching, mise en relation)
- Spécialisation sectorielle ou fonctionnelle
- Investissement dans des outils digitaux
-
Une concurrence des modèles alternatifs
- Développement de la micro-entreprise et de l’entreprise individuelle
- Émergence de plateformes de mise en relation directe
- Évolution des pratiques de recrutement des entreprises
Cette intensification de la concurrence a été amplifiée par l’arrivée d’acteurs 100% digitaux, qui ont misé sur l’automatisation des processus pour réduire leurs coûts et proposer des frais de gestion plus bas.
B. Érosion progressive des marges
La pression concurrentielle a entraîné une érosion progressive des marges des sociétés de portage, comme en témoignent plusieurs indicateurs :
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Baisse des frais de gestion
- Passage de 8-12% historiquement à 5-7% en moyenne aujourd’hui
- Apparition d’offres à moins de 5% pour les consultants générant un chiffre d’affaires important
- Développement d’offres à frais fixes, déconnectés du chiffre d’affaires
-
Augmentation des coûts opérationnels
- Investissements technologiques nécessaires pour rester compétitif
- Recrutement de profils spécialisés (développeurs, experts juridiques, etc.)
- Coûts marketing et commerciaux en hausse pour attirer de nouveaux consultants
-
Exigences accrues des consultants
- Demande de services personnalisés et à forte valeur ajoutée
- Pression sur la déductibilité des frais professionnels
- Attente d’avances sur salaire et de délais de paiement réduits
Cette situation crée un effet de ciseau dangereux : les revenus diminuent tandis que les coûts augmentent, comprimant les marges jusqu’à menacer la rentabilité de nombreux acteurs.
C. Témoignages et cas concrets
Plusieurs dirigeants d’entreprises de portage ont exprimé leurs inquiétudes face à cette situation :
-
Romain Souilliart, co-fondateur d’Embarq, a déclaré qu’il ne referait probablement pas le choix de lancer une entreprise de portage en 2023 compte tenu des contraintes actuelles, alors même que sa société se porte bien (plus de 900 salariés portés, près de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires). Selon lui, les marges actuelles ne permettraient pas de réaliser les investissements nécessaires pour digitaliser les outils proposés aux consultants.
-
La liquidation judiciaire de Ventoris en juin 2023 illustre concrètement les risques qui pèsent sur le secteur. Cet acteur historique, créé en 2007 par Franck Marcq bien avant l’encadrement juridique du dispositif, n’a pas survécu malgré sa notoriété et son expérience.
Ces exemples montrent que même des acteurs établis peuvent être fragilisés par l’évolution du marché et la compression des marges.
III. Risques d’effondrement du secteur
A. Vulnérabilités structurelles
Le secteur du portage salarial présente plusieurs vulnérabilités structurelles qui accentuent le risque d’effondrement :
-
Modèle économique sous pression
- Difficulté à maintenir des marges suffisantes pour assurer la pérennité
- Incapacité à investir dans l’innovation et la digitalisation
- Risque de dégradation de la qualité des services
-
Concentration excessive
- Création d’oligopoles pouvant conduire à des pratiques anticoncurrentielles
- Disparition progressive des acteurs de taille moyenne
- Vulnérabilité systémique en cas de défaillance d’un acteur majeur
-
Dépendance aux évolutions réglementaires
- Sensibilité aux changements de la législation sociale et fiscale
- Risque de durcissement des conditions d’exercice du portage salarial
- Incertitudes liées aux réformes potentielles du marché du travail
B. Facteurs conjoncturels aggravants
Ces vulnérabilités structurelles sont amplifiées par plusieurs facteurs conjoncturels :
-
Contexte économique défavorable
- Nombre record de défaillances d’entreprises en France (65 764 en 2024)
- Hausse des radiations d’entreprises (310 000 en 2024, +9% par rapport à 2023)
- Tensions sur les trésoreries des entreprises
- Risque d’augmentation du chômage en 2025
-
Évolution des attentes des clients
- Pression sur les tarifs des consultants
- Raccourcissement des missions
- Internalisation de certaines compétences
-
Concurrence des autres formes d’emploi
- Attractivité croissante du statut de micro-entrepreneur
- Développement de solutions alternatives pour les indépendants
- Évolution des pratiques de recrutement des entreprises
C. Signaux d’alerte d’un possible effondrement
Plusieurs signaux d’alerte laissent présager un risque d’effondrement du secteur :
-
Multiplication des défaillances
- La liquidation de Ventoris pourrait n’être que le début d’une série
- Fragilité particulière des acteurs de taille moyenne
- Risque d’effet domino en cas de défaillance d’un acteur majeur
-
Dégradation de la qualité de service
- Réduction des équipes d’accompagnement
- Automatisation excessive au détriment de la relation humaine
- Diminution des services proposés
-
Consolidation accélérée
- Multiplication des opérations de fusion-acquisition
- Disparition progressive des acteurs indépendants
- Concentration du marché autour de quelques grands groupes
-
Perte de confiance
- Méfiance croissante des consultants envers certaines sociétés de portage
- Inquiétude des entreprises clientes face aux risques de défaillance
- Questionnement sur la pérennité du modèle
IV. Tendances futures et scénarios d’évolution
A. Tendances du marché du travail impactant le portage salarial
Plusieurs tendances du marché du travail influencent directement l’avenir du portage salarial :
-
Flexibilisation croissante du travail
- Augmentation du nombre de travailleurs indépendants
- Développement des carrières hybrides et des multi-activités
- Recherche de solutions alliant flexibilité et sécurité
-
Digitalisation des relations de travail
- Développement du travail à distance et des collaborations internationales
- Plateformisation de la mise en relation entre consultants et clients
- Automatisation des processus administratifs et de gestion
-
Évolution des attentes des consultants
- Demande de services personnalisés et à forte valeur ajoutée
- Recherche de transparence et de simplicité
- Besoin d’accompagnement dans le développement de l’activité
-
Évolution du cadre réglementaire
- Possible renforcement des exigences en matière de protection des salariés portés
- Clarification potentielle des règles fiscales et sociales
- Harmonisation au niveau européen
B. Scénarios d’évolution possibles
Face à ces tendances, quatre scénarios d’évolution du secteur se dessinent :
-
Scénario 1 : Consolidation ordonnéeDans ce scénario, le secteur poursuit sa consolidation à un rythme maîtrisé :
- Les acteurs les plus fragiles sont progressivement absorbés par les leaders
- Le nombre d’entreprises de portage se stabilise autour de 300-350
- Les marges se stabilisent à un niveau permettant la viabilité du secteur
- Les sociétés de portage développent de nouveaux services à valeur ajoutée
- Le secteur continue de croître en volume d’affaires et en nombre de consultants
Probabilité : Moyenne à élevée Impact : Positif à moyen terme, avec une professionnalisation accrue -
Scénario 2 : Effondrement partiel et restructurationCe scénario envisage une crise sectorielle significative :
- Défaillance en cascade de nombreux acteurs de taille petite et moyenne
- Concentration accélérée autour de 5 à 10 acteurs dominants
- Redéfinition du modèle économique avec une augmentation des frais de gestion
- Spécialisation des acteurs restants (par secteur, par type de prestation, etc.)
- Période de turbulence suivie d’une stabilisation sur de nouvelles bases
Probabilité : Moyenne Impact : Négatif à court terme, potentiellement assainissant à long terme -
Scénario 3 : Disruption par de nouveaux modèlesDans ce scénario, le secteur est transformé par l’émergence de nouveaux modèles :
- Apparition de plateformes technologiques combinant portage salarial et mise en relation
- Développement de modèles hybrides entre portage salarial et autres formes d’emploi
- Entrée sur le marché d’acteurs internationaux ou issus d’autres secteurs
- Redéfinition profonde de la proposition de valeur du portage salarial
- Segmentation accrue du marché entre offres premium et low-cost
Probabilité : Moyenne à faible Impact : Transformatif, avec des opportunités et des menaces -
Scénario 4 : Effondrement systémiqueCe scénario, le plus pessimiste, envisage un effondrement généralisé du secteur :
- Défaillance d’un ou plusieurs acteurs majeurs créant un effet domino
- Perte de confiance généralisée des consultants et des clients
- Crise de liquidité affectant l’ensemble du secteur
- Abandon massif du portage salarial au profit d’autres formes d’emploi
- Intervention réglementaire d’urgence pour encadrer la crise
Probabilité : Faible Impact : Catastrophique, remettant en question la pérennité du modèle
C. Stratégies d’adaptation des acteurs
Face à ces différents scénarios, les acteurs du portage salarial développent diverses stratégies d’adaptation :
-
Diversification des sources de revenus
- Développement de services complémentaires payants
- Création d’écosystèmes de services pour les indépendants
- Monétisation de la mise en relation entre consultants et clients
-
Spécialisation sectorielle ou fonctionnelle
- Concentration sur des secteurs d’activité spécifiques
- Développement d’une expertise reconnue dans certains domaines
- Adaptation des services aux besoins spécifiques de certaines professions
-
Innovation technologique
- Investissement dans des plateformes digitales avancées
- Automatisation des processus administratifs
- Développement d’outils d’aide à la gestion de l’activité des consultants
-
Internationalisation
- Développement d’offres transfrontalières
- Adaptation du modèle aux spécificités des marchés étrangers
- Partenariats avec des acteurs locaux dans d’autres pays
-
Consolidation et partenariats stratégiques
- Fusions et acquisitions entre acteurs complémentaires
- Partenariats avec des acteurs de l’écosystème des indépendants
- Alliances stratégiques avec des entreprises clientes
Ces stratégies témoignent de la capacité d’adaptation du secteur, mais leur succès dépendra de la capacité des acteurs à restaurer des marges suffisantes pour investir dans leur développement.
V. Facteurs clés de résilience et de transformation
A. Rétablissement d’un équilibre économique viable
Pour éviter l’effondrement du secteur, le rétablissement d’un équilibre économique viable apparaît comme une priorité :
-
Stabilisation des frais de gestion
- Arrêt de la course au moins-disant
- Transparence accrue sur la structure des frais
- Valorisation des services inclus dans les frais de gestion
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Optimisation des coûts opérationnels
- Mutualisation de certaines fonctions entre acteurs
- Automatisation intelligente des processus à faible valeur ajoutée
- Développement de synergies entre différentes activités
-
Création de nouvelles sources de valeur
- Développement de services innovants répondant aux besoins des consultants
- Valorisation de l’expertise sectorielle ou fonctionnelle
- Création d’écosystèmes de services complémentaires
B. Renforcement de la différenciation
Face à la banalisation des services de base, le renforcement de la différenciation constitue un levier essentiel :
-
Spécialisation par secteur ou métier
- Développement d’une expertise reconnue dans certains domaines
- Adaptation des services aux besoins spécifiques de certaines professions
- Construction d’une communauté de consultants partageant des problématiques communes
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Personnalisation de l’accompagnement
- Développement de parcours d’accompagnement sur mesure
- Mise en place de services de coaching et de formation
- Création de communautés d’entraide entre consultants
-
Innovation dans les services proposés
- Développement de solutions de portage international
- Création de services d’aide au développement commercial
- Mise en place de programmes de certification et de labellisation
C. Adaptation aux nouvelles attentes des consultants et des clients
L’adaptation aux nouvelles attentes des consultants et des clients constitue un facteur clé de résilience :
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Digitalisation de l’expérience utilisateur
- Développement d’interfaces intuitives et personnalisées
- Automatisation des tâches administratives récurrentes
- Mise à disposition d’outils d’aide à la gestion de l’activité
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Renforcement de la transparence
- Communication claire sur la structure des frais
- Traçabilité des opérations administratives et financières
- Partage d’indicateurs de performance et de satisfaction
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Développement de services à forte valeur ajoutée
- Accompagnement dans le développement commercial
- Formation continue et développement des compétences
- Services de mise en relation qualifiée avec des clients potentiels
Ces facteurs de résilience et de transformation montrent que, malgré les risques d’effondrement, le secteur du portage salarial dispose de leviers pour se réinventer et assurer sa pérennité.
Conclusion sur l’évolution de la crise dans le secteur du portage salarial
Synthèse de la situation actuelle
Le secteur du portage salarial en France traverse actuellement une période de turbulence caractérisée par une concurrence exacerbée et une érosion continue des marges. Cette situation résulte de plusieurs facteurs convergents :
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Une multiplication des acteurs : le nombre d’entreprises de portage salarial est passé de 225 en 2015 à près de 500 en 2023, créant une saturation du marché.
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Une guerre des prix : la concurrence a conduit à une baisse significative des frais de gestion, passant de 8-12% historiquement à 5-7% en moyenne aujourd’hui, voire moins pour certaines offres.
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Une augmentation des exigences : les consultants demandent davantage de services et de transparence, tout en étant moins disposés à payer pour ces prestations.
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Une concentration du secteur : les grands groupes (Freeland, Freelance.com) rachètent progressivement les acteurs de taille moyenne, modifiant la structure du marché.
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Des défaillances inquiétantes : la liquidation judiciaire de Ventoris, acteur historique du secteur, a mis en lumière la fragilité économique de certaines entreprises de portage.
Cette conjonction de facteurs crée un risque réel pour la pérennité du secteur, particulièrement pour les acteurs de taille moyenne qui n’ont ni la solidité financière des leaders, ni l’agilité des petites structures spécialisées.
Trajectoire probable de la crise
À court terme (1-2 ans), la crise devrait s’intensifier avec :
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Une accélération des défaillances : plusieurs entreprises de portage de taille petite et moyenne risquent de connaître des difficultés financières majeures, conduisant à des liquidations ou des rachats forcés.
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Une poursuite de la concentration : les acteurs dominants continueront d’absorber les entreprises en difficulté, renforçant leur position sur le marché.
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Une polarisation des offres : le marché se divisera progressivement entre des offres low-cost, centrées sur la gestion administrative à moindre coût, et des offres premium, proposant un accompagnement personnalisé et des services à forte valeur ajoutée.
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Une stabilisation progressive des frais de gestion : après plusieurs années de baisse, les frais de gestion devraient atteindre un plancher en-deçà duquel le modèle économique n’est plus viable, conduisant à une stabilisation.
À moyen terme (3-5 ans), nous assisterons probablement à :
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Une restructuration profonde du secteur : le nombre d’entreprises de portage devrait se stabiliser autour de 300-350, avec une dizaine d’acteurs dominants et des acteurs de niche spécialisés.
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Une redéfinition du modèle économique : les entreprises survivantes développeront de nouvelles sources de revenus (services complémentaires, mise en relation, formation) pour compenser la baisse des frais de gestion traditionnels.
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Une professionnalisation accrue : les exigences réglementaires et la pression concurrentielle conduiront à une élévation des standards de qualité et de transparence.
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Une intégration technologique poussée : l’automatisation des processus administratifs et le développement d’outils digitaux avancés deviendront des facteurs clés de compétitivité.
Issue probable de la crise
Contrairement à un scénario d’effondrement systémique, l’issue la plus probable de cette crise est une transformation profonde du secteur plutôt qu’une disparition du modèle. Cette transformation se caractérisera par :
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Un paysage concurrentiel reconfiguré : un nombre réduit d’acteurs, mais plus solides et plus professionnels, avec une segmentation claire entre généralistes et spécialistes.
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Un modèle économique hybride : les entreprises de portage combineront plusieurs sources de revenus, réduisant leur dépendance aux seuls frais de gestion.
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Une proposition de valeur enrichie : au-delà de la simple gestion administrative, les sociétés de portage proposeront un écosystème de services répondant aux besoins des consultants indépendants.
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Une intégration dans l’écosystème plus large des services aux indépendants : des rapprochements avec d’autres acteurs (plateformes de mise en relation, organismes de formation, espaces de coworking) créeront des synergies nouvelles.
Cette transformation permettra au portage salarial de conserver sa place dans le paysage des formes d’emploi en France, en répondant au besoin croissant de flexibilité sécurisée sur le marché du travail.
Facteurs déterminants pour l’avenir du secteur
Plusieurs facteurs détermineront la vitesse et l’ampleur de cette transformation :
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La capacité des acteurs à restaurer des marges suffisantes : sans restauration d’un équilibre économique viable, même les acteurs les plus solides pourraient être fragilisés.
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L’évolution du cadre réglementaire : un durcissement ou, au contraire, un assouplissement des conditions d’exercice du portage salarial pourrait accélérer ou freiner la transformation du secteur.
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Les stratégies des leaders du marché : les choix stratégiques des acteurs dominants (diversification, internationalisation, innovation) influenceront l’ensemble du secteur.
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L’évolution des attentes des consultants : la capacité du portage salarial à rester attractif face à d’autres formes d’emploi dépendra de son adaptation aux besoins évolutifs des travailleurs indépendants.
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Le contexte économique global : une dégradation significative de la conjoncture économique pourrait précipiter les défaillances et accélérer la concentration du secteur.
Conclusion finale
L’analyse approfondie du secteur du portage salarial en France révèle un paradoxe : alors que le nombre de consultants et le volume d’affaires continuent de croître, le modèle économique des entreprises de portage est de plus en plus fragilisé par une concurrence exacerbée et une érosion continue des marges.
Cette situation crée un risque réel d’effondrement, comme en témoigne la récente liquidation de Ventoris, acteur historique du secteur. Cependant, ce risque ne semble pas systémique à court terme, mais plutôt concentré sur les acteurs de taille moyenne qui n’ont ni la solidité financière des leaders, ni l’agilité des petites structures spécialisées.
Parmi les scénarios d’évolution envisagés, celui d’une consolidation ordonnée, accompagnée d’une redéfinition progressive du modèle économique, apparaît comme le plus probable. Cette consolidation devrait s’accompagner d’une professionnalisation accrue du secteur, d’une diversification des sources de revenus et d’un renforcement de la valeur ajoutée des services proposés.
Pour les consultants en portage salarial, cette évolution pourrait se traduire par une polarisation du marché entre des offres premium, proposant un accompagnement personnalisé et des services à forte valeur ajoutée, et des offres low-cost, centrées sur la gestion administrative à moindre coût.
Pour les entreprises clientes, la consolidation du secteur devrait garantir une plus grande fiabilité des acteurs restants, mais pourrait s’accompagner d’une hausse des tarifs des consultants, reflétant la nécessité de restaurer des marges suffisantes pour assurer la pérennité du modèle.
En définitive, si le risque d’effondrement du secteur du portage salarial existe bel et bien, il semble plus probable que nous assistions à une transformation profonde plutôt qu’à une disparition de ce modèle qui répond à un besoin réel de flexibilité sécurisée sur le marché du travail.
La crise actuelle du secteur du portage salarial en France, caractérisée par une concurrence exacerbée et une érosion des marges, ne conduira probablement pas à un effondrement systémique du secteur, mais plutôt à une transformation profonde de son paysage concurrentiel et de son modèle économique.
Cette transformation, déjà en cours, s’accélérera dans les prochaines années avec une vague de défaillances et de consolidations qui réduira significativement le nombre d’acteurs. Les entreprises qui survivront à cette phase de turbulence seront celles qui auront su diversifier leurs sources de revenus, investir dans la digitalisation et développer une proposition de valeur distinctive.
À l’issue de cette crise, le portage salarial émergera comme un secteur plus mature, plus concentré et plus professionnel, capable de répondre efficacement aux besoins des travailleurs indépendants dans un marché du travail en constante évolution. Loin de signifier la fin du portage salarial, cette crise marque plutôt son passage à l’âge adulte, avec les défis et les opportunités que cela implique.
Le portage salarial continuera ainsi de jouer un rôle important dans l’écosystème des formes d’emploi en France, en offrant une solution équilibrée entre la flexibilité recherchée par les consultants et la sécurité apportée par le statut de salarié. Sa capacité à s’adapter aux évolutions du marché du travail et aux attentes des différentes parties prenantes sera la clé de sa pérennité à long terme.